Multipotentiel et entrepreneur

«  ce n’est pas comme ça que vous réussirez dans la vie ! »

Multi-potentiel et entrepreneur

Vous souvenez-vous de cette publicité du coutelier Guy Degrenne où l’on voyait l’industriel enfant dans une classe d’école, s’entendre dire par le proviseur plein de suffisance : «Mon pauvre Guy Degrenne, ce n’est pas comme ça que vous réussirez dans la vie ».

À l’occasion de son décès en novembre 2006, Le Monde écrivait : « Sans conteste, Guy Degrenne a réussi à créer une marque qui fait désormais partie du patrimoine français ».

J’ignore ce qui a poussé monsieur Degrenne à adopter une campagne aussi décalée au début des années 1980, où l’on ne voyait pas un seul de ses produits. Mais j’y vois une malicieuse revanche d’un esprit hors du commun. A son image, de François Pinault à Xavier Niel en passant par Alain Ginestet et Gérard Mulliez, le monde de l’entreprise est truffé d’autodidactes. 25 % des membres du Centre des Jeunes Dirigeants n’ont qu’un simple bac.

L’échec scolaire est un trait (heureusement de moins en moins, grâce à la perspicacité de certains enseignants) assez marquant chez les multi-potentiels, qui subissent un système dans lequel ils ne se retrouvent pas, s’ennuient, se sentent rejetés, incompris et où leur émotivité souvent exacerbée est mise à rude épreuve.

J’avance par pure intuition et sans aucun chiffre (faute d’avoir trouvé d’étude sur ce thème), l’hypothèse qu’il y aurait une forte proportion de Hauts Potentiels Intellectuels chez les entrepreneurs. Comment pourrait-il en être autrement ? Rejetés dès l’école, incompris en entreprise, quelle alternative leur restent-ils pour exprimer leur plein potentiel ?

L’entrepreneuriat répond parfaitement à leur besoin d’occuper ce cerveau qui ne s’arrête jamais, à leur esprit de créativité, et surtout ils n’ont pas à passer plus de temps à expliquer ce qu’ils font qu’à le faire ! Ne plus rendre de comptes ou devoir se justifier, c’est le Saint-Graal du Haut Potentiel ! Fini le travail en Open-space au milieu des sons qui l’agressent et qu’il perçoit souvent amplifiés, finies aussi les situations conflictuelles où son cœur fait des grands huit par son hypersensibilité décuplée.

Pour autant, cela ne va pas sans difficulté. Le risque d’épuisement est bien réel. Une fois lancé à pleine vitesse dans un projet, il est compliqué de freiner un surefficient, ce qui peut le mener droit au burn-out. Et comment parvenir à communiquer avec ses collaborateurs qui le regardent comme un extra-terrestre ? Faire comprendre sa vision lorsqu’on a un super grand angle est une gageure. Et cela peut aussi être épuisant coté employés que de suivre une telle personnalité qui ne s’arrête jamais. Et puis il y a le doute… Ces innombrables choix et décisions qu’il doit prendre en permanence. Avec un mode de pensée en arborescence qui ouvre 20 tiroirs à la fois, comment prendre la bonne décision, et se satisfaire de son choix, sans être tiraillé par la peur d’avoir pris le mauvais ? La reconnaissance liée à ce statut nourrit aussi abondamment son faux-self (je reviendrai dans un prochain article sur cette notion). Le coaching est un outil très efficace face à tout cela.

Mais au final, en quoi est-ce dérangeant ? Ça l’est selon moi quand le choix de l’entrepreneuriat est la seule issue possible et lorsque un multi-potentiel la prend parce qu’il n’a été qu’incompris et rejeté, parfois broyé, dans les organisations par lesquelles il est passé, de l’école à l’entreprise. En bref, comme une échappatoire.

Le problème est que ce n’est pas marqué sur son front : c’est juste construit différemment dedans. Et ça ne se voit pas. Il me semble qu’il est grand temps d’appréhender l’accompagnement des fonctionnements cognitifs atypiques et de pouvoir leur apporter un environnement plus adapté, par une meilleure compréhension. C’est pour cela que j’ai rejoint le collectif d’accompagnement des atypiques Singuliers & Pluriels, en apportant modestement ma pierre à l’édifice. Puisse cet article y contribuer !

En chacune des situations décrites ici, j’aurais pu vous partager ma propre expérience. Je me fourvoie peut être complètement en abordant ce thème qui m’est très cher, et en échafaudant ces hypothèses. Alors je plaide coupable : mon affect voile inéluctablement ma neutralité sur ce sujet.

C’est pour cela que vos avis et réactions me seraient précieux. 🤗

Renaud Boudry

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Cet article a 4 commentaires

  1. Très pertinent cette façon de voir, je m’y reconnais.
    Mais n’est ce pas prétentieux et présomptueux de ma part.
    En tout cas je dis toujours qu’étant dyslexique et gaucher, je suis multitache par nature.
    Intéressant cette description en arborescence… mais prendre un décision c’est encore et toujours l’intuition.
    On pourrait discuter quelques minutes, car les idées viennent toujours des autres.
    Merci.

    1. admin

      Grand merci pour votre commentaire Jean-Baptiste. Troublant aussi car je suis également gaucher et dyslexique 😉 Et rassurez-vous : avoir la capacité de s’interroger sur le fait de paraître prétentieux ou présomptueux est selon moi déjà un signe d’intelligence ! Avec plaisir pour échanger

  2. Gatzoff Anne-Solène

    Bonjour,

    Merci pour cet article qui aborde ce sujet des fonctionnement atypique dans le monde de l’école puis de l’entreprise qui est à connaître, faire connaître et à accompagner au plus près.

    La notion de faux-self que vous laissez en suspend me donne envie d’en lire d’avantage.

    A vous lire.

    1. admin

      Merci pour votre commentaire et l’intérêt que vous portez à mon article Anne-Solène.

      Je comprends votre envie d’en lire d’avantage ! J’ai hésité à poser cette notion de faux-self dans mon article sans autres explications. Il me paraissait important de la nommer, mais je n’avais pas la place pour l’approfondir et ce sujet connexe mérite je pense d’être traiter à part entière. J’en ferais certainement le sujet d’un de mes prochains articles. Disons que c’est un peu mon « teaser » 😉

      Avec grand plaisir pour échanger en MP sur cette notion

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